Mes souvenirs d'école primaire sont excellents. Malgré les années, la mémoire de mes maîtresses et maîtres de maternelle et élémentaire reste vivace. Deux d'entre eux, cependant, m'ont plus marqué. Au cours préparatoire ce fut Ali Remli, le maître qui m'apprit à lire. Au CM2, Gilbert Graille:
"Quant à Gilbert Graille, son empreinte sur
moi a été forte, à la fois dans le domaine personnel et dans ma vie
professionnelle. Ce fut un maître aux grandes qualités pédagogiques qui savait
à la fois intéresser la classe, lui transmettre les connaissances
indispensables, mais aussi faire passer des principes éducatifs qui nous ont
aidés à bien grandir, principes en lien direct avec ceux de l'Ecole de la République, l'Ecole
Laïque. Dans la classe de Monsieur Graille, tous les sujets peuvent être
abordés. On s'y sent bien. Au cours de cette année de CM2,
je suis frappé par cette liberté de ton qu'il a, qu'il nous laisse, et
qui nous permet de devenir nous-mêmes. Ce rapport aux élèves est pour moi une
découverte. Pourtant, il est exigeant et même sévère quelquefois. Je me souviens de son humour, des jeux de
mots qu'il nous fait partager, de sa vision sur l'ouverture à l'ensemble des
matières, matières traditionnelles bien sûr, mais aussi peinture, musique,
sport, de l'importance qu'il accorde à cette éducation globale. Il nous fait
découvrir les mots croisés, le code de la route. J'ai en mémoire cet air de
l'opérette "la
Mascotte", passage qu'il avait inscrit au répertoire
des chants de la classe, qu'un inspecteur, après avoir terminé son inspection,
avait demandé à entendre, juste avant de partir, un peu comme un rappel, un
petit air "pour la route". Il nous avait tous réunis sur l'estrade et
nous avions entonné "les envoyés du paradis sont des mascottes mes
amis, heureux celui que le ciel dote d'une mascotte…", cette phrase
que 50 ans après, il m'écrira au dos de l'enveloppe d'une carte de vœux. Je
crois que c'est grâce à lui, plus tard, que je devins, également dans
l'Education nationale, un adepte de l'Ecole Active et un militant de la Coopération scolaire.
Alors que je ne l'avais pas revu depuis notre départ d'Hussein-Dey, au cours
d'une journée de formation, devant des inspecteurs de l'Education nationale, je
prenais en exemple Monsieur Graille, à propos de son type d'enseignement. La
globalité dans l'éducation, il l'appliquait après la classe. Comment oublier le
goût qu'il me transmit pour la photographie, cette façon naturelle de nous
inclure, d'autres enfants et moi, dans le groupe d'adultes qui jouait au
volley-ball sur le petit terrain de sport, entre l'école et le stade municipal,
durant des soirées de printemps… Il savait partager et semer toutes ces petites
graines qui un jour, immanquablement, se développeraient. Je ne reverrai qu'une
seule fois Gilbert Graille à son domicile en région parisienne en 2005. Nous
évoquerons des souvenirs mais nous parlerons aussi de pédagogie de la lecture.
Agé et en mauvaise santé, il gardera jusqu'au bout sa verve et sa capacité de
conviction. Je ne regretterai pas cette visite que j'avais retardée longtemps,
de peur d'importuner mon ancien maître."
2005, en compagnie de Gilbert Graille
à son domicile de Seine et Marne
à son domicile de Seine et Marne